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Quel est votre diagnostic ? C'est la cicadelle pruineuse

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DÉTECTION

La présence de la pellicule luisante et collante sur les feuilles basses des arbustes évoque d'importants écoulements de miellat. Ce liquide étant excrété par des insectes piqueurs suceurs phloephages (1), les recherches s'orientent vers un organisme appartenant à l'ordre des hémiptères. Le feutrage noir couvrant les feuilles et les écorces des branches correspond à la fumagine, un complexe de champignons saprophytes qui s'installe sur le miellat. L'observation au début de l'été des premiers adultes permet d'identifier l'espèce en cause. Il s'agit de la cicadelle blanche encore appelée cicadelle pruineuse ou flatide pruineux : Metcalfa pruinosa (Say). Cet insecte appartient à la famille des Flatidae.

DESCRIPTION DE L'INSECTE

Originaire du centre et de l'est du continent nord-américain, le flatide pruineux a été introduit accidentellement en Italie à la fin des années 70 (Trévise en 1979). Observé pour la première fois en France aux environs de Marseille en 1985, il s'est rapidement répandu sur la Côte d'Azur, a gagné progressivement le Sud-Ouest (Toulouse en 1999 et l'Aquitaine en 2001) puis est remonté vers le Nord par la vallée du Rhône (région lyonnaise en 2003). Il semble se disperser assez facilement de façon naturelle mais son introduction dans de nombreuses régions résulte probablement du transport de végétaux de pépinière. Les plants colonisés passent inaperçus, car les oeufs hivernants sont déposés à la fin de l'été dans les anfractuosités de l'écorce des rameaux de nombreux arbres et arbustes d'ornement.

Malgré son appellation commune de cicadelle blanche, l'insecte n'appartient pas à la famille des Cicadellidae, mais à celle des Flatidae. Les adultes de 7 à 9 mm de long et de teinte gris bleuté sont recouverts d'une fine pruine blanche. Leur tête plate possède deux yeux jaunes. Leurs ailes aux coins arrondis et disposées en toit portent quatre taches noires dans leur partie basale. Les larves blanches et aplaties mesurent d'un à sept millimètres selon le stade larvaire. Elles sont couvertes de filaments cireux produits par des glandes cirières disposées le long du corps et particulièrement abondantes à l'extrémité de l'abdomen. Les oeufs sont blancs et ovoïdes.

ÉLÉMENTS DE BIOLOGIE

Le cycle de développement de Metcalfa pruinosa ne comporte qu'une seule génération par an. Les oeufs sont pondus au cours des mois d'août et septembre dans les anfractuosités des écorces (une soixantaine d'oeufs par femelle). Les éclosions ont lieu l'année suivante, à partir du mois d'avril. Mais elles peuvent s'échelonner pendant toute la belle saison et les différents stades de l'insecte sont alors visibles simultanément. Les larves s'installent tout d'abord dans la partie basse des végétaux puis elles remontent progressivement pour coloniser les jeunes pousses en croissance ou le revers des feuilles. Le développement larvaire comporte cinq stades différents : trois stades larvaires et deux stades nymphaux. Les nymphes se caractérisent par la présence d'ébauches alaires. Lors de chaque mue larvaire, elles laissent sur place une exuvie (2) blanche qui se remarque sous les filaments blancs pelucheux. Très mobiles, les larves s'échappent facilement en sautant lorsqu'elles sont approchées. Les adultes généralement peu farouches apparaissant au cours du mois de juillet ne s'envolent que s'ils se trouvent fortement dérangés. Ils sont curieusement disposés en « file indienne » sur les rameaux. Équipé d'un stylet piqueur-suceur à tous les stades, l'insecte prélève dans les végétaux la sève élaborée dont il se nourrit. Il excrète des produits sucrés liquides qui se répandent autour de la végétation et au sol. Ce miellat activement recherché par les abeilles constitue un substrat apprécié par des champignons saprophytes, la fumagine.

LES ESSENCES ATTAQUÉES

Metcalfa pruinosa se caractérise par une très grande polyphagie : plus de 330 plantes hôtes identifiées à son actif ! Cependant, elle apprécie plus particulièrement certains végétaux : l'érable champêtre (Acer campestris), l'orme champêtre (Ulmus minor), les mûriers (Morus sp.), les platanes (Platanus × acerifolia), les saules (Salix sp.), les Pyracantha, les Cotoneaster, les Pittosporum... Certaines plantes cultivées peuvent être également fortement infestées : la vigne, le pêcher et l'abricotier, le kiwi, le figuier, les agrumes, le framboisier et le cassissier, l'aubergine, le soja, le tournesol... Dans les milieux naturels, ses cibles privilégiées sont le roncier (Rubus fruticosus) et les parterres d'ortie (Urtica dioica).

CONSÉQUENCES DES ATTAQUES DE L'INSECTE

Bien qu'affaiblis, les végétaux colonisés ne sont généralement pas inquiétés. Ils peuvent être fortement dépréciés en raison des excrétions de cire blanche qui s'accumulent, d'une production importante de miellat et de la présence de fumagine formant une pellicule noire charbonneuse sur le feuillage. Dans les jardins et les espaces verts, les écoulements de miellat et les salissures procurent des gênes et des situations d'inconfort.

En revanche, la présence de Metcalfa pruinosa dans nos régions enchante les apiculteurs. Dans le sud-est de la France, les sites fortement attaqués constituent des lieux de transhumance recherchés par les professionnels. Friandes de ce miellat abondant en période estivale, les colonies d'abeilles fréquentent activement les plantes infestées. Elles confectionnent alors un miel sombre et liquide peu sucré au goût relevé, commercialisé sous l'appellation de miel de Metcalfa. C'est le seul miel qui porte le nom d'un insecte et non celui d'une fleur.

Par Pierre Aversenq, expert arboricole

(1) Se dit d'organismes se nourrissant du phloème des plantes. (2) Enveloppe chitinisée du corps de l'insecte retirée lors de chaque mue.

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